GPA: Un couple de femmes franco-belge obtient la transcription de l’acte de naissance russe de leur fille née d’une mère porteuse ukrainienne.
Un épilogue heureux pour ce couple franco-belge ayant choisi la voie de la GPA pour faire famille.
Le 28 février dernier, la deuxième chambre du Tribunal de la famille à Namur a ordonné la transcription de l’acte de naissance d’une petite fille (nous l’appellerons ici Natacha) née à Moscou d’une mère porteuse ukrainienne en décembre 2016.
Les deux mamans ont cependant eu quelques difficultés avant d’arriver à cette heureuse conclusion administrative. L’accouchement et la renonciation à la maternité s’étaient déroulés sans encombres, la GPA étant légale en Russie et les procédures locales respectées. C’est en se heurtant au refus de l’Ambassade de Belgique à Moscou de reconnaitre la maternité de plein droit à la mère d’intention (et maintenant mère légale aux yeux du droit russe) que Natacha se voit refuser les documents de voyage qui aurait permis à la famille nouvellement augmentée de rentrer au pays.
Le SPF affaires étrangères confirmant les positions de l’ambassade et les services de l’état civil de la commune concernée ne pouvant donner suite à la demande de transcription, voilà la famille bloquée en Russie.
Ce n’est que deux longs mois plus tard, que Natacha obtient, de la part du Consulat de France (la co-mère disposant de cette nationalité) un laisser passer la désignant comme “apatride” et lui permettant ainsi d’accéder au territoire français (et de là en Belgique).
Les démarches de la famille visant à régulariser le statut de Natacha se poursuivent au cours du printemps et de l’été 2017. Sollicitée par la famille de Natacha de prendre en compte l’état civil de l’enfant, l’administration communale de S. demande l’avis du procureur de Roi, lequel répond en s’inquiétant de “l’absence d’un parent reconnu exerçant l’autorité parentale” et émet “de sérieux doute quant à la validité des accords pris en Russie entre la mère porteuse et le couple” (de parents intentionnels). Un avocat est donc désigné tuteur de l’enfant par le SPF Justice.
Au cours de l’été, les parents de Natacha poursuivent leur combat auprès de la justice afin de clarifier l’état civil de leur enfant. Les réponses du procureur du Roi demeurant négatives, une requête est déposée devant le tribunal de première instance de Namur alors que Natacha célèbre déjà son premier anniversaire.
C’est essentiellement le Code de Droit International Privé (CODIP) qui fournira les arguments de fondement et de recevabilité de l’affaire auprès du tribunal puis qu’il s’agit de démontrer la validité des documents d’état civil émis en Russie d’une part et celle du lien de filiation établi à l’égard de la mère belge de l’autre. En invoquant les droits nationaux des différentes parties impliquées (L’agence Russe, la mère porteuse Ukrainienne, la mère d’intention belge) il ressort qu’aucune infraction n’ait été commise. Pour ce qui est de l’ordre public belge que le procureur du Roi estime bafoué, la jurisprudence montre qu’il a déjà été admis par le passé que les noms de parents intentionnels figurent sur des actes de naissance émis par des autorités publiques qui contrairement à la Belgique, le permette. La gestation pour autrui en elle-même si tant est qu’elle pourrait être considérée contraire à l’ordre public en interne ne peut, au titre de l’intérêt supérieur de l’enfant entrainer de conséquence négative sur la filiation établie dans les faits. Cette conception est largement reprise dans la jurisprudence belge et européenne.
Il est ensuite argué que le traditionnel « détour par l’adoption » suggéré par le ministère public pour contourner les situations semblables à celles-ci dans le passé peut, au-delà du fait que l’on détourne l’objet de la procédure poser problème dans le sens où la mère de Natacha…est déjà sa mère au regard du droit russe. Et comme on ne peut adopter son propre enfant…
Au regard de cet argumentaire, le tribunal ordonnera à la commune de S. la transcription de l’acte de naissance russe de Natacha le 28 février 2018.
Interrogé sur la question de savoir si le raisonnement juridique, novateur dans notre pays et suivi ici pour ce couple de femmes serait le même pour un couple d’hommes dans une situation similaire, Me Jean-Pierre Jacques, conseil de cette famille (et membre de notre association) nous répond par l’affirmative.
D.D.